Elisabeth Grenier – Ella, elle l’a
EN AVENT LA MUSIQUE
Ella, Elle l’a
“Toi tu passes à travers combien de bouteilles de spray par mois?”
La question était parfaitement absurde, puisque visiblement, je n’utilisais aucun produit coiffant. Mais on ne se connaissait pas beaucoup encore – j’étais nouvelle à cette école – alors au lieu de répondre: “Euh, aucune,” j’ai semi-menti: “Pfff… j’sais pas… ”
Le soir même j’ai corrigé le tir, en m’achetant ma première bombe… aérosol.
Les cheveux grichoux de Kiss ou de Def Leppard nous servaient d’inspiration en termes de coiffure pyramidale. Mon amie, elle, réussissait à créer des sculptures de béton laqué, mais moi, clairement, je l’avais pas.
Et comment aurais-je pu, d’ailleurs? J’avais à peine le temps de me préparer chaque matin avant l’aube, courant tout en mangeant un bout de pain pour attraper l’autobus scolaire qui me trimbalait pendant des heures sur des routes enneigées de campagne. Le vent passait sifflant soufflant par les fenêtres mal isolées du bus; à chaque quatre bancs il y avait un petit système de surchauffage à nos pieds qui contribuait à la confusion climatique de cet espace roulant.
Et l’atmosphère musicale était au goût du jour des radios commerciales, celles qui savaient parfaitement équilibrer le rock et la détente.
Et parfois, par ces matins trop froids, trop tôt, trop noirs, où je désespérais sur l’état de ma crinière ou même de ma peau entière, il y avait un de ces airs qui venaient m’encourager à croire que tout n’était pas perdu…
C’est comme une gaieté comme un sourire
Quelque chose dans la voix qui paraît nous dire viens
Qui nous fait sentir étrangement bien…
Parenthèse: À l’époque, je ne savais pas du tout que c’était une chanson hommage à Ella Fitzgerald – mais peu importe… à chaque fois qu’elle jouait à la radio, c’était un pep talk d’une efficacité, mais absolue:
Oui si tu l’as, tu l’as elle l’a, ella elle l’a
Ce je n’sais quoi
Aujourd’hui, je n’ai plus à prendre plus d’autobus jaune à -30 degrés Celsius, mais je sais qu’une chose n’a pas changé: pratiquement tous les produits coiffants ou maquillants que j’ai pu acheter dans la vie, c’était, en fait, du gaspillage – là-dessus, je l’ai toujours pas.
Mais cette ritournelle de France Gall me le rappelle: come on, tu peux l’avoir toi aussi – autrement.
Tu vois ça ne s’achète pas quand tu l’as tu l’as
D’après Ella, elle l’a de France Gall (1987)
Texte et vidéo de Elizabeth Grenier
Musique de générique “We wish you a merry christmas” de Twin Musicom fait l’objet d’une licence CCA 4.0.
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