Laurence ErmacoVa

Ce soir, dans un carton rempli de vieilles cassettes,
kilomètres de bandes magnétiques défaites,
trouble sens et contes de fées, j’ai entendu ta voix 
surgie au hasard d’un enregistrement. 

Je ne l’ai pas reconnue.

Tu ne m’avais pas dit que tu avais un accent 
quand tu parlais, que tu faisais difficilement
la différence entre les sons é et è et que ta voix hésitait
au moment de prononcer les mots gantés du français. 

Immédiatement, je t’ai reconnu.

Tu m’avais raconté les élytres métallisés des cétoines
sur les bords des chemins creux, l’empreinte des sirènes 
noyées au fond des rivières. Tu ne m’avais pas prévenue 
que tu me laisserais en cadeau le poids de ton étrangeté. 

Je t’en ai voulu.

Mais ce soir dans les interstices laissés vacants par les é et les è
de ton enregistrement, j’ai touché à l’infime. Ma voix, comme la tienne,
vibre d’incertitude lorsque je prononce les mots gantés d’étrangeté
où se mélangent invariablement les sonorités indécises du ö et du ä.

Je me suis reconnue.

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